07/10/2017

LA LETTRE DE L'FMR N° 20


HISTOIRE(S) DE GALETS 
Rencontre avec Véronique Brunet-Gaston




"Véronique BRUNET GASTON, INRAP" <veronique.gaston@inrap.fr>   25/10/2016

Bonjour,

J’ai dirigé une opération de diagnostic archéologique sur la Savoureuse
fin septembre et mon équipe et moi-meme avons ramassé 30 kg de galets à ricochets.

Grâce aux tampons FMR, j’ai donc pu vous retrouver et caler chronologiquement votre performance, trouver le céramiste et définir certains objectifs grâce aux messages.

A la lecture je m’interroge sur la destination de ces objets:
- les considérer comme artefacts archéologiques et les verser aux collections 
- les reverser dans la Savoureuse
- vous les restituer…

J’aurais bien voulu une petite contribution de votre part sur la démarche artistique.

J’ai appris qu’il existe un catalogue d’expo mais je n’ai pas pu le trouver encore pour voir si nous avions retrouvé les galets lancés.

Au plaisir de vous lire

Véronique BRUNET-GASTON
Spécialiste en architecture antique
INRAP Franche-Comté
9 rue E.-A. Lavoisier
25000 Besançon

Institut de Recherche sur l'Architecture Antique
USR 3155 du CNRS - MMSH Aix-en-Provence

bureau: 0381 484 165
mobile pro : 06 70 403 659


FMR Fédération Mondiale de Ricochets <fm.ricochets@gmail.com>  5 févr

Bonjour,

désolé de vous répondre si tard ! Votre mail nous avait échappé.

Les galets que vous avez trouvés ont été lancés lors du premier championnat de ricochets de Belfort le premier juin 2013 que nous avons organisé avec la Galerie du Granit, Scène Nationale de Belfort. Il existe un livre documentant précisément cette action et ses enjeux artistiques "Les ricochets de Belfort". Le livre, qui pourra vous être envoyé par le Granit, si vous les contactez, répondra à certaines de vos questions.

La fabrication des 3000 galets d'argile, réalisés spécialement pour le tournoi avec des habitants de Belfort, avait vocation à devenir ensuite une sculpture immergée, évoluant au fil des aléas de la Savoureuse, de son histoire, des rencontres. Nous avions envisagé que ces galets poseraient peut-être des questions, un jour, aux archéologues ! (l'argile, notamment, est choisi dans ce projet car il évoque les antiques tablettes d'écriture...)

C'est donc une intéressante rencontre qui participe totalement du projet artistique. Nous serions intéressés d'en savoir plus sur votre enquête, sur le lieu où les galets ont été retrouvés, voir des images de la récupération, des conditions actuelles de conservation, connaître vos réactions, les questions que vous vous êtes posées...

Pour répondre à votre question, le plus intéressant, en relation avec notre projet, serait d'introduire ces galets dans les collections archéologiques.

A très bientôt pour poursuivre cette discussion.

Cyril Jarton

ENTRETIEN

FMR : Pour mieux vous connaître, quelle est la nature du travail que vous effectuez sur la Savoureuse ?

Véronique Brunet-Gaston :  Le service régional de l’archéologie de Franche-Comté a prescrit en prévision de l’aménagement d’une promenade sur berge et d’une piste cyclable, le long de la rive gauche de la Savoureuse, un diagnostic subaquatique entre l’exutoire de l’étang des Forges, en amont et le pont du Général de Gaulle, en aval, sur un linéaire de 1,7 km.
L’objectif du diagnostic de l’INRAP visait à prospecter le lit de la Savoureuse en vue de confirmer ou d’infirmer la présence de vestiges immergés, leur degré de conservation et enfin leur intérêt scientifique.
Le but de la prospection subaquatique était de définir si une prospection de plain-pied pouvait suffire à déceler des vestiges ou du mobilier archéologique sur les 1,7 km de tracé faisant l’objet de la prescription, et ce pour une durée de quatre jours.
L’équipe se composait de quatre personnes, tous membres (ou détachés) de la cellule subaquatique : un responsable d’opération, un Chef Opérateur Hyperbare (COH) et deux plongeurs. Une période de sécheresse exceptionnelle a permis à cette prospection a pu être réalisée à l’étiage à la fin septembre 2016.


 La base-vie « Solar » était installée près d’une mise à l’eau le long de la piste cyclable quai Vauban à une quarantaine de mètres au nord du pont du Magasin (fig. 1).



Fig.1



Pour la sécurité des plongeurs, une nacelle négative à bras télescopique a été déplacée à plusieurs endroits stratégiques afin de faciliter l’accès aux zones de prospection (fig. 2 - 3).

   

Fig.2 












Fig.3
  











Fig.5 – 6 - 7

Le projet d’aménagement de la Mairie de Belfort est présenté dans un article de France Bleu Belfort-Montbéliard daté du 3 mai 2016[1]. Ceci nous permet de visualiser le projet finalisé. Les Belfortains pourront passer bientôt sous les ponts du centre ville. Une balade sur plus d'un kilomètre et demi entre le pont du Magasin, au niveau de l'Atria, jusqu'au pont du Général-de-Gaulle (au niveau du cinéma des quais – fig. 8).


Fig. 8 Le projet d’aménagement de la Mairie de Belfort (© France Bleu)


FMR : Est-ce une rivière que vous connaissez-bien ? 

Véronique Brunet-Gaston : Non, je travaille habituellement en Saône (Cubry les Soing, Port sur Saone (70)) mais dans le cadre de formation de plongeurs bénévoles pour la FFESSM

FMR : Lors des fouilles de septembre 2016, avez-vous découvert d’autres éléments intéressants ?
Véronique Brunet-Gaston : La chose la plus intéressante, mais plutôt anecdotique est le vestige du barrage Haas.
La St. 1 est le vestige des fondations d’un barrage maçonné de 1,34 m de large, avec un ressaut de fondation de 14 cm de part et d’autre (fig. 9). Cette structure, conservée sur 45 cm (grâce à un sondage manuel) est la plus massive retrouvée, on peut la voir dans son état d’origine sur d’anciennes cartes postales du quai de Cronstadt datant de 1909 et 1914 (fig. 10). Identifiée comme le barrage Haas, suite aux recherches en archives (Fig.11 et détail – AD90 7 S 96), cette structure a été restaurée et reconstruite à plusieurs reprises, ce qu’on a mis au jour est le dernier état de ce barrage. Il s’agit initialement d’un barrage construit par un particulier, Mr Dominique Haas pour irriguer les terres de son neveu, Mr Saglio.


Fig.10

Fig.11 (plus de détails)

Le barrage Haas est vraisemblablement construit dans le début des années 1830 (et ce sans autorisation), on note dès 1834, la réalisation de travaux suite à des sinistres chez des particuliers (facture et déplacement d’un engin).
En 1844, dans les archives on peut lire que le barrage appartient à la Compagnie des forges (?) et que ce barrage détourne les eaux de la savoureuse vers le canal d’irrigation alimente les patouillets et le haut fourneau du Châtenois (AD90 7 S 97). S’agit-il bien du même barrage ?
En 1850, plusieurs plaintes sont déposées par les habitants du faubourg du fourneau, à la suite d’inondation dues au barrage Haas.
En 1851, Mr Haas est finalement autorisé à maintenir son barrage, sous certaines conditions, notamment de création d’un plus grand pertuis. 
1857 : un procès-verbal de récolement assure que les travaux ont été faits en regard des demandes de la préfecture.
En 1897, le barrage est reconstruit.
En 1902, on trouve des délibérations pour la reconstruction du barrage d’irrigation des près Touvet. Le barrage est dit « détruit et reconstruit à une époque que nous ignorons ». Peut-être s’agit de la date de 1897 ? ce n’est qu’en 1905 que l’on trouve le devis estimatif qui décrit les barrages qui doivent être réalisés « en pierre de taille de grès posé au mortier fin de chaux hydraulique du Theil ».  On notera que l’on a visiblement la même réalisation pour les vestiges du barrage conservé sous le niveau de l’eau.
En 1909, le mur de quai en amont est construit.
1910 : mise en place d’un projet de quai qui n’aboutira d’en 1922, après la première guerre mondiale. Un peu plus haut toutefois, le quai situé en rive droite en amont du pont Denfert est construit : il s’élève à la cote 358 m, tandis que les hautes eaux culminent à 356, 74 m (cf profil A – AD90 7 S 97).
1926 : le barrage est reconstruit, à 159 m en aval du pont Denfert.

FMR : Quelles furent vos premières impressions avant de découvrir qu’il s’agissait de galets à ricochets.

Véronique Brunet-Gaston : Comme le premier trouvé portait des symboles cunéiformes, on s’est vraiment demandés ce que c’était cette affaire !

FMR : Pouvez-vous nous indiquer les sites où les galets ont été trouvés ? Cela permettrait d’évaluer leurs éventuels déplacements pendant ces trois années écoulées depuis le 1er championnat de ricochets de Belfort.
Véronique Brunet-Gaston : La zone d’atterrissement en rive gauche aprés le la passerelle des arts a livré une masse de galets à ricochets qui nous ont fortement interrogés.

FMR : Jetée à l’eau, le devenir de cette œuvre est lié aux aléas de la Savoureuse, elle ne nous appartient plus, c’est précisément le sens de notre démarche.  Il appartient donc à ceux qui en trouve des fragments de déterminer la manière dont ils ricochent dans leur vie et dans leur activité. Notre intérêt est plutôt maintenant de documenter les mouvements et déplacements de cette œuvre. Nous sommes curieux de savoir, du point de vue de votre discipline et de votre sensibilité, quel statut et quelle place vous donnerez à ces objets trouvés dans la Savoureuse.

Véronique Brunet-Gaston : Ce dépôt d’artefact est une trouvaille exceptionnelle pour un archéologue.

   











Fig. 12









En effet, sur le lot de 400 galets retrouvés, quatre nous donnent la date de l’événement, les organisateurs et le céramiste (Fig.12).
« la savoureuse comme aire de jeu 01/06/2013 »
« le granit »
« FMR – fédération mondiale des ricochets »
« Comptoir des matières, distributeur CERACEL, 67540 OSTWALD »

Quatre autres nous donnent un aperçu du concept :
« lance-toi -> lance-moi »
« jeu, art vie, ECCE HOMO LUDENS »
«  Ricochets sont larmes de noyés »
« d’un ricochet je t’appartiens »



FMR Fédération Mondiale de Ricochets <fm.ricochets@gmail.com>  23 mars

Bonjour Véronique,
une dernière question: où sont stockés aujourd'hui les galets et que prévoyez-vous d'en faire?
Bien à vous
La FMR


"Véronique BRUNET GASTON, INRAP" <veronique.gaston@inrap.fr>   25/10/2016

Bjr
Les galets sont stockés au centre archeo Inrap de Besançon en attendant d'être versés au service régional de l'archéologie 
Bonne soirée 
Véronique 


18/02/2017

La lettre de l'FMR N° 19


La FMR a le plaisir de vous annoncer sa participation à l'exposition 


Utopies fluviales : Prologue 

24 février - 10 avril 2017 (vernissage 24 février 18h),  MuséoSeine - Avenue Winston Churchill - 76489 Caudebec-en-Caux

Commissaires de l'exposition: Christophe Cuzin, Véronique Follet, assistés d'Ariane Chapelet




Documentation FMR -Avril 2010