HISTOIRE(S) DE GALETS
Rencontre avec Véronique Brunet-Gaston
Rencontre avec Véronique Brunet-Gaston
"Véronique BRUNET GASTON,
INRAP" <veronique.gaston@inrap.fr> 25/10/2016
Bonjour,
J’ai dirigé une opération de diagnostic archéologique sur la
Savoureuse
fin septembre et mon équipe et moi-meme avons ramassé 30 kg de
galets à ricochets.
Grâce aux tampons FMR, j’ai donc pu vous retrouver et caler
chronologiquement votre performance, trouver le céramiste et définir certains
objectifs grâce aux messages.
A la lecture je m’interroge sur la destination de ces objets:
- les considérer comme artefacts archéologiques et les verser
aux collections
- les reverser dans la Savoureuse
- vous les restituer…
J’aurais bien voulu une petite contribution de votre part sur la
démarche artistique.
J’ai appris qu’il existe un catalogue d’expo mais je n’ai pas pu
le trouver encore pour voir si nous avions retrouvé les galets lancés.
Au plaisir de vous lire
Véronique
BRUNET-GASTON
Spécialiste
en architecture antique
INRAP
Franche-Comté
9
rue E.-A. Lavoisier
25000
Besançon
Institut
de Recherche sur l'Architecture Antique
USR
3155 du CNRS - MMSH Aix-en-Provence
bureau:
0381 484 165
mobile
pro : 06 70 403 659
FMR Fédération Mondiale de
Ricochets <fm.ricochets@gmail.com> 5 févr
Bonjour,
désolé de vous répondre si tard ! Votre mail nous avait échappé.
Les galets que vous avez trouvés ont été lancés lors du premier
championnat de ricochets de Belfort le premier juin 2013 que nous avons
organisé avec la Galerie du Granit, Scène Nationale de Belfort. Il existe un
livre documentant précisément cette action et ses enjeux artistiques "Les
ricochets de Belfort". Le livre, qui pourra vous être envoyé par le Granit,
si vous les contactez, répondra à certaines de vos questions.
La fabrication des 3000 galets d'argile, réalisés spécialement
pour le tournoi avec des habitants de Belfort, avait vocation à devenir ensuite
une sculpture immergée, évoluant au fil des aléas de la Savoureuse, de son
histoire, des rencontres. Nous avions envisagé que ces galets poseraient
peut-être des questions, un jour, aux archéologues ! (l'argile, notamment,
est choisi dans ce projet car il évoque les antiques tablettes d'écriture...)
C'est donc une intéressante rencontre qui participe totalement
du projet artistique. Nous serions intéressés d'en savoir plus sur votre
enquête, sur le lieu où les galets ont été retrouvés, voir des images de la
récupération, des conditions actuelles de conservation, connaître vos
réactions, les questions que vous vous êtes posées...
Pour répondre à votre question, le plus intéressant, en relation
avec notre projet, serait d'introduire ces galets dans les collections
archéologiques.
A très bientôt pour poursuivre cette discussion.
Cyril
Jarton
ENTRETIEN
FMR : Pour mieux vous
connaître, quelle est la nature du travail que vous effectuez sur la
Savoureuse ?
Véronique Brunet-Gaston : Le service régional de l’archéologie de
Franche-Comté a prescrit en prévision de l’aménagement d’une promenade sur
berge et d’une piste cyclable, le long de la rive gauche de la Savoureuse, un
diagnostic subaquatique entre l’exutoire de l’étang des Forges, en amont et le
pont du Général de Gaulle, en aval, sur un linéaire de 1,7 km.
L’objectif du
diagnostic de l’INRAP visait à prospecter le lit de la Savoureuse en vue de
confirmer ou d’infirmer la présence de vestiges immergés, leur degré de
conservation et enfin leur intérêt scientifique.
Le but de la prospection
subaquatique était de définir si une prospection de plain-pied pouvait suffire
à déceler des vestiges ou du mobilier archéologique sur les 1,7 km de tracé
faisant l’objet de la prescription, et ce pour une durée de quatre jours.
L’équipe se composait de quatre
personnes, tous membres (ou détachés) de la cellule subaquatique : un
responsable d’opération, un Chef Opérateur Hyperbare (COH) et deux plongeurs.
Une période de sécheresse exceptionnelle a permis à cette prospection a pu être
réalisée à l’étiage à la fin septembre 2016.
Fig.1
Pour la sécurité des plongeurs, une nacelle négative à bras télescopique a été déplacée à plusieurs endroits stratégiques afin de faciliter l’accès aux zones de prospection (fig. 2 - 3).
Fig.2
Fig.3
Fig.5 – 6 - 7
Le projet
d’aménagement de la Mairie de Belfort est présenté dans un article de France
Bleu Belfort-Montbéliard daté du 3 mai 2016[1]. Ceci nous
permet de visualiser le projet finalisé. Les Belfortains pourront passer bientôt
sous les ponts du centre ville. Une balade sur plus d'un kilomètre et demi
entre le pont du Magasin, au niveau de l'Atria, jusqu'au pont du
Général-de-Gaulle (au niveau du cinéma des quais – fig. 8).
Fig. 8 Le projet
d’aménagement de la Mairie de Belfort (© France Bleu)
FMR : Est-ce une rivière
que vous connaissez-bien ?
Véronique Brunet-Gaston : Non, je travaille habituellement
en Saône (Cubry les Soing, Port sur Saone (70)) mais dans le cadre de formation
de plongeurs bénévoles pour la FFESSM
FMR : Lors des fouilles de septembre 2016, avez-vous découvert
d’autres éléments intéressants ?
Véronique
Brunet-Gaston : La chose la plus intéressante,
mais plutôt anecdotique est le vestige du barrage Haas.
La St. 1 est le vestige des fondations d’un barrage maçonné de
1,34 m de large, avec un ressaut de fondation de 14 cm de part et d’autre (fig.
9). Cette structure, conservée sur
45 cm (grâce à un sondage manuel) est la plus massive retrouvée, on peut la
voir dans son état d’origine sur d’anciennes cartes postales du quai de
Cronstadt datant de 1909 et 1914 (fig.
10). Identifiée comme le barrage Haas, suite aux recherches en archives (Fig.11 et détail – AD90 7 S 96), cette
structure a été restaurée et reconstruite à plusieurs reprises, ce qu’on a mis
au jour est le dernier état de ce barrage. Il s’agit initialement d’un barrage
construit par un particulier, Mr Dominique Haas pour irriguer les terres de son
neveu, Mr Saglio.
Fig.10
Fig.11 (plus de détails)
Le
barrage Haas est vraisemblablement construit dans le début des années 1830 (et
ce sans autorisation), on note dès 1834, la réalisation de travaux suite à des
sinistres chez des particuliers (facture et déplacement d’un engin).
En
1844, dans les archives on peut lire que le barrage appartient à la Compagnie
des forges (?) et que ce barrage détourne les eaux de la savoureuse vers le
canal d’irrigation alimente les patouillets et le haut fourneau du Châtenois
(AD90 7 S 97). S’agit-il bien du même barrage ?
En
1850, plusieurs plaintes sont déposées par les habitants du faubourg du
fourneau, à la suite d’inondation dues au barrage Haas.
En
1851, Mr Haas est finalement autorisé à maintenir son barrage, sous
certaines conditions, notamment de création d’un plus grand pertuis.
1857 :
un procès-verbal de récolement assure que les travaux ont été faits en regard
des demandes de la préfecture.
En
1897, le barrage est reconstruit.
En
1902, on trouve des délibérations pour la reconstruction du barrage
d’irrigation des près Touvet. Le barrage est dit « détruit et reconstruit à une époque que nous ignorons ».
Peut-être s’agit de la date de 1897 ? ce n’est qu’en 1905 que l’on trouve
le devis estimatif qui décrit les barrages qui doivent être réalisés « en pierre de taille de grès posé au mortier
fin de chaux hydraulique du Theil ».
On notera que l’on a visiblement la même réalisation pour les vestiges
du barrage conservé sous le niveau de l’eau.
En
1909, le mur de quai en amont est construit.
1910 :
mise en place d’un projet de quai qui n’aboutira d’en 1922, après la première
guerre mondiale. Un peu plus haut toutefois, le quai situé en rive droite en
amont du pont Denfert est construit : il s’élève à la cote 358 m, tandis
que les hautes eaux culminent à 356, 74 m (cf profil A – AD90 7 S 97).
1926 :
le barrage est reconstruit, à 159 m
en aval du pont Denfert.
FMR : Quelles furent vos premières impressions avant de découvrir qu’il
s’agissait de galets à ricochets.
Véronique Brunet-Gaston : Comme le premier trouvé
portait des symboles cunéiformes, on s’est vraiment demandés ce que c’était
cette affaire !
FMR : Pouvez-vous nous
indiquer les sites où les galets ont été trouvés ? Cela permettrait
d’évaluer leurs éventuels déplacements pendant ces trois années écoulées depuis
le 1er championnat de
ricochets de Belfort.
Véronique Brunet-Gaston : La zone d’atterrissement
en rive gauche aprés le la passerelle des arts a livré une masse de galets à
ricochets qui nous ont fortement interrogés.
FMR : Jetée à l’eau, le
devenir de cette œuvre est lié aux aléas de la Savoureuse, elle ne nous
appartient plus, c’est précisément le sens de notre démarche. Il appartient donc à ceux qui en
trouve des fragments de déterminer la manière dont ils ricochent dans leur vie
et dans leur activité. Notre intérêt est plutôt maintenant de documenter les
mouvements et déplacements de cette œuvre. Nous sommes curieux de savoir, du
point de vue de votre discipline et de votre sensibilité, quel statut et quelle
place vous donnerez à ces objets trouvés dans la Savoureuse.
Véronique Brunet-Gaston : Ce dépôt d’artefact est une trouvaille
exceptionnelle pour un archéologue.
Fig. 12
En effet, sur le lot de 400 galets retrouvés, quatre nous donnent la date de l’événement, les organisateurs et le céramiste (Fig.12).
« la savoureuse
comme aire de jeu 01/06/2013 »
« le granit »
« FMR – fédération
mondiale des ricochets »
« Comptoir des
matières, distributeur CERACEL, 67540 OSTWALD »
Quatre autres nous
donnent un aperçu du concept :
« lance-toi -> lance-moi »
« jeu, art vie,
ECCE HOMO LUDENS »
« Ricochets sont
larmes de noyés »
« d’un ricochet je
t’appartiens »
FMR Fédération Mondiale de Ricochets <fm.ricochets@gmail.com> 23 mars
Bonjour
Véronique,
une dernière
question: où sont stockés aujourd'hui les galets et que prévoyez-vous d'en
faire?
Bien à vous
La FMR
"Véronique BRUNET GASTON, INRAP" <veronique.gaston@inrap.fr> 25/10/2016
Bjr
Les galets
sont stockés au centre archeo Inrap de Besançon en attendant d'être versés au
service régional de l'archéologie
Bonne
soirée
Véronique
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire